[From Yves Delaporte, "Chartres," in Baudrillard,Dictionaire d'histoire et géographie écclesiastique, VIII (1952), cc. 544-574.] 
[An approximate translation, which does not pretend to capture the subtle nature of much of Delaporte's text.]
[c.550]
V. PÈLERINAGE.

Le pèlerinage de Notre-Dame de Chartres est, depuis un temps immémorial, un des grands pèlerinages français. L'un des objets matériels que vénèrent les pèlerins est la relique connue autrefois sous le nom de "chemise" et aujourd'hui sous celui de "voile" de Notre-Dame, donnée à l'Église de Chartres, vers 876, par Charles le Chauve. On s'est demandé si c'est en raison du pèlerinage que la relique a été donnée à la cathédrale, ou si c'est à la relique que le pèlerinage doit son existence. Faute de renseignements, la question est insoluble, mais on ne peut mettre en doute que la célébrité de la relique ait grandement contribué au développement du pèlerinage. 

V. The Pilgrimage.

The pilgrimage to Our Lady of Chartres was, from times immemorial, one of the greatest of French pilgrimages. One of the material objects which the pilgrims venerated was the relic formerly known as the "chemise" ["shirt"], today called the "voile de Notre-Dame," which was given to the Cathedral of Chartres, circa 876, by the Emperor Charles the Bald. One might ask if it was because of the pilgrimage that the relic was given to the cathedral, or if it was the relic which produced the pilgrimage, but the question is essentially unsolvable due to the lack of contemporary sources; but, in any case, there is no doubt that the fame of the relic greatly contributed to the popularity of the pilgrimage.

Enfermée vers l'an mille dans une châsse qui resta close jusqu'en 1712, la relique passa pour une chemise; lorsque Mgr de Mérinville en fit la reconnaissance, on constata avec étonnement qu'elle consistait en une pièce d'étoffé de soie écrue, parfaitement unie, large entre les deux lisières de 0.46m et longue d'environ 5. 35m. 

Around the year one thousand this relic, thought to be a "chemise" (or "shirt"),  was enshrined within a golden reliquary, within which it remained enclosed until 1712, when Bishop de Mérinville had it opened; at this time it was discovered, to great astonishment, that it was a single piece of raw silk, a bit under 0.46 meters in width and about 5.35 meters long.
 

Dès le XIIe s., et sans doute avant, la "sainte châsse" était conservée au rétable du maître-autel; les pèlerins y accédaient pour la vénérer et rapportaient de Chartres, comme objets de dévotion, soit de véritables chemises, destinées surtout aux gens de guerre ou aux futures mères, soit de petits insignes en forme de "chemisette",** encore en usage [c.551] aujourd'hui.

From the 12th century --and no doubt well before-- this reliquary (known as the "sainte châsse") was kept within the main altar, to which the pilgrims came to venerate it and left Chartres with various objects of devotion --actual "shirts," to be used by soldiers and future mothers, or small replicas ("chemisettes"), which may still be found in use today.

La relique fut morcelée et dispersée en 1793. Le trésor de la cathédrale en récupéra depuis plusieurs morceaux, dont un long de plus de 2m., qui fut mis dans une nouvelle châsse. L'étoffé, examinée en 1927 par M. d'Hennezel, conservateur du musée des tissus de la chambre de commerce de Lyon, peut remonter à l'époque à laquelle la tradition l'attribue.

This relic was cut up and dispersed in 1793. The tresury of the cathedral later recovered several fragments, the longest of which is more than 2 meters in length and was put in a new reliquary.  This piece of cloth, examined in 1927 by M. d'Hennezel, the conservator of the fabric museum of the chamber of commerce of Lyon, appears to date from the same period to which tradition attributes it.

Au XIIe s., on vint beaucoup à Chartres implorer Notre-Dame pour la guérison du "mal des ardents". La Translation de S. Germer fait mention du pèlerinage que firent à cette intention, en 1132, les habitants de Beauvais. Nous savons, par la traduction en vers français (XIIIe s.) du Livre des miracles, que les pèlerins étaient hospitalisés pendant neuf jours dans une partie de la crypte de la cathédrale.

In the 12th century many people came to Chartres to ask the aid of Our Lady to cure the "buring pain" ["St. Anthony's Fire," probably ergot posioning]. The account of the Translation of the Relics of St. Germer mentions this sort of pilgrimage made in 1132 by some of the citizens of Beauvais. We know from the 13th century French translation of the Book of Miracles, that these pilgrims were housed for a period of nine days in the crypt of the cathedral.

C'est aux XIIe et XIIIe s. que le pèlerinage de Chartres paraît avoir atteint sa plus grande célébrité. Guibert de Nogent († 1124) dit que le nom et la relique de la Vierge (nomen et pignora) y sont l'objet de la vénération de presque tout le monde latin. Dans un document de 1260, le pape Alexandre IV atteste que la dévotion envers Marie attire à Chartres une multitude innombrable de fidèles. Même assertion, presque dans les mêmes termes, dans une bulle de Nicolas IV en date de 1289.

The pilgrimage to Chartres attained its greatest popularity during the 12th and 13th centuries.  Abbot Guibert of Nogent (who died in 1124) tells us that the name and fame (nomen et pignora) of this relic of the Virgin were the object of veneration throughout the whole of the Latin World. In a document of 1260 Pope Alexander IV tells us that the devotion to Mary at Chartres attracted countless numbers of the faithful; and, in 1298 a bull of Nicholas IV says the same, in almost the same terms.

Quelques années avant le milieu du XIIe s. la dévotion à Notre-Dame de Chartres prit une forme nouvelle. A l'occasion des grands travaux qui étaient alors en cours à la cathédrale, les pèlerins s'attelèrent aux chariots qui amenaient à pied d'œuvre, quelquefois de fort loin, les matériaux ainsi que les provisions destinées au ravitaillement des ouvriers. Nul n'était admis à ces pieuses corvées, s'il n'avait fait pénitence de ses fautes et réparé le tort qu'il avait pu faire à son prochain. 
A few years before the middle of the 12th century this reverance for Our Lady of Chartres took on a new form. The rebuilding of the [West front of] the cathedral attracted a number of pilgrims, some from quite far away, who harnassed themselves to the carts carrying the both the stones for the new work and the food for the workers. 
Plusieurs textes - chronique de Robert de Mont, lettres de Haymon, abbé de S.-Pierre-sur-Dives, et de Hugues, archevêque de Rouen - ont relaté ce fait que l'on constate en divers lieux, mais dont l'origine est à Chartres. Le même enthousiasme se manifesta de nouveau cinquante ans plus tard, lorsque la cathédrale actuelle fut bâtie après l'incendie de 1194. Le Livre des miracles de Notre-Dame de Chartres nous fait connaître les pratiques des pèlerins à cette époque. L'objet de leur vénération était surtout la sainte châsse; c'est par conséquent devant le maître-autel où elle était conservée qu'ils venaient prier; ce maître-autel était déjà sans doute surmonté d'une statue de la Vierge Mère.

Several texts (the Chronicle of Abbot Robert of Mont-Saint-Michele, letters of Abbot Haimo of Saint-Pierre-sur-Dives, and of Archbishop Hugh of Rouen) tell us that this happened at various places, but that the center of the phenonemnon was at Chartres. The same popular enthusiasm manifested itself again later, when the present cathedral was built after the fire of 1194. The Book of Miracles of Our Lady of Chartres informs us of the actions of the pilgrims of this period. The object of their devotions was, above all, the "sainte 
châsse" [the "holy reliquary"]; and it was before the main altar which containted this that they came to pray. There is no doubt that, at this time, there was a statue of the Virgin Mother on this altar.

Il en fut ainsi jusqu'à la fin du Moyen Age. Au XVIe s., on trouva que cette affluence de pèlerins dans le sanctuaire troublait les offices; une réplique de la statue fut exécutée et exposée en avant du jubé, et la châsse, renfermée dans un "trésor", ne fut plus constamment visible.

And this was the case until the end of the Middle Ages. In the 16th century we find that the number of pilgrims in the sanctuary was large enough to disturb the celebration of the Holy Offices; there was a replica of the statue which was made and placed before the choir screen, and the reliquary, enclosed in a "trésor," was no longer visible.

Il est à noter qu'il n'est pas question au XIIIe s. de la statue de la crypte, qui cependant existait déjà, car l'original, brûlé en 1793, mais connu par de fidèles reproductions, était une œuvre du XIIe s. La célébrité de cette statue ne paraît pas antérieure à la diffusion du récit concernant le culte de la Virgo paritura.

We should note that it is not a question here, in this 13th century source, of the statue which was in the crypt (and was burned in 1793), but must have already been extant, being known from previous reproductions. The fame of this statue did not appear until after the spread of the account of the cult of the Virgo Paritura.

Au XVe s., elle était fort vénérée; Louis XI, en 1471, la fit placer dans un riche tabernacle; au XVIe s., elle était le but de processions extraordinaires. Les pèlerins accouraient individuellement ou par petits groupes; les affluences ne se produisaient qu'aux principales fêtes de Notre-Dame, à l'Assomption et surtout à la Nativité qui, depuis S. Fulbert, était devenue la grande fête chartraine. A cette occasion, les pèlerins passaient la nuit dans la cathédrale, ce qui causait un tel désordre que le chapitre, en 1531, jugea impossible de célébrer les matines à l'heure habituelle et décida de les retarder à l'avenir jusqu'au matin des 15 août et 8 septembre. [c.552]

The veneration of the relic continued: in the 15th century Louis XI placed it in a costly tabernacle; in the 16th century it was the goal of extraordinary processions. The pilgrims came in small groups, but there were great crowds during the principle feast days of Our Lady --on the Assumption and, above all, the Nativity, which, since the time of Saint Fulbert, had been the greatest Chartrain festival. On this occasion the pilgrims spent the night in the cathedral, which custom so greatly disturbed the chapter that, in 1531, they found it impossible to celebrate the offices of matins at the regular hour and decided to delay them during the period from the 15th of August to the  8th of September.

Le sanctuaire chartrain jouit d'une grande célébrité aux XVIIe et XVIIIe s. Parmi les pèlerins illustres qui vinrent y prier, il faut citer S. François de Sales, S. Vincent de Paul, Monsieur Bourdoise, Monsieur Olier, S. Benoît Labre.
The cathedral of Chartres enjoyed great renown in the 17th and 18th centuries, when it was visited by, among other faithful pilgrims, Saints Francis de Sales and Vincent de Paul as well as Monsieur Bourdoise, Monsieur Olier, and St. Benoît Labre.
La Révolution mit fin momentanément aux pratiques du pèlerinage. Quand le monument fut rendu au culte, comme simple église paroissiale, les fidèles y retrouvèrent la Vierge du Pilier (ancienne Vierge du jubé); un peu plus tard, ce qui restait de l'ancienne relique vénérée fut restitué et remis en honneur. La crypte profanée ne retrouva sa destination qu'en 1855 et ne fut totalement restaurée qu'en 1860. De cette période date la renaissance du pèlerinage, qui depuis n'a cessé de prendre une ampleur de plus en plus grande. Signalons seulement quelques événements. En 1855, la Vierge du Pilier fut couronnée au nom de Pie IX. La dévotion aux anciens sanctuaires qui se manifesta après 1870 n'oublia pas Chartres: il y eut un grand pèlerinage en 1873; un autre en 1876. Mgr Lagrange institua les pèlerinages diocésains, dont le premier eut lieu en 1891. D'imposantes fêtes mariales, avec exposition du "voile de Notre-Dame," furent célébrées en 1927.
The Revolution temporarily ended the pilgrimage; but, when the cathedral was returned to the Cult --as a simple parochial church-- the faithful worshiped at "Our Lady of the Column" (formerly known as the "Virgin of the Choirscreen"); and, a little later, the remains of the revered ancient relic was restored and again venerated. The profained crypt was reopened to the faithful in 1855, but only completely restored in 1860. During this period of the restoration of the pilgrimage it continued to grow, as a few facts indicate: in 1855, Our Lady of the Column was commemorated by Pope Pius IX.  The revival of interest in ancient sanctuaries which manifested itself after 1870 included Chartres, which was the object of pilgrimages in 1873 and 1876.  Bishop Lagrange called for pilgrimages within the diocese, the first of which occured in 1891.  There were major Marian festivals, which included an expositon of the "Voile de Notre-Dame," in 1927.  
Actuellement, le sanctuaire chartrain est visité en tout temps par des pèlerins individuels ou formant de petits groupes; pendant la belle saison, on voit se succéder des groupes importants: œuvres, paroisses, sociétés diverses. Le pèlerinage le plus imposant est celui des étudiants, qui font à pied au moins une partie du voyage. En 1935, ils étaient une quinzaine; en 1948 et 1949 ils pouvaient être cinq ou six mille.

At present [c.1950] Chartres cathedral is constantly visited by individuals or small groups of pilgrims, and during the season of fair weather there are important groups of workers, parishioners and various organisations. The most impressive of these pilgrimages are those made students, who come at least part of the way on foot. In 1935 there were fifteen such pilgrims; but in 1948-9 there may be as many as five or six thousand.

** Jim Bugslag has kindly keystroked in this additional information on the "chemisettes":
   "According to Abbe Bulteau, Monographie de la Cathedrale de Chartres, (Chartres, SAEL, 1887), I, pp. 154-55, chemisettes were mostly of metal, but cloth examples were also known, at least since the 16th and perhaps as early as the 15th century. He cites a book by L. Merlet on Abbess Marie de Bretagne and the reform of the Order of Fontevrault which quotes from an inventory: '1477, quatre chemises de linge de la Vierge de Chartres.' It was also around this time that the chapter adopted definitively for its arms 'la sancta camisia d'azur sur fond d'argent.'  
   "The first person to adopt these arms was Regnault de Paris, canon and sacristan (chefcier, capicerius) of the cathedral in 1450 and late grand-archdeacon in 1475."

   An example of the use of the chemise on the arms of the chapter in a manuscript from the 17th c. may be seen here.


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